Intervention de Jean-Pascal, 27 ans au sein d’ASI, à l’occasion des 40 ans d’Actions de Solidarité Internationale.
“L’avenir n’est interdit à personne.”
— Léon Gambetta
Une idée lancée au téléphone
Imaginez la scène, coup de téléphone de Jean-Luc, un soir il y a 3 semaines :
— Salut JP, j’ai une idée pour le 28, j’ai pensé qu’avec 27 ans au sein d’ASI tu pourrais nous faire une petite planche sur l’avenir d’ASI. Qu’en penses-tu ?
— Oui pourquoi pas mais j’avoue que j’aurais préféré parler de ce qui nous a réuni, de la façon nous avons vécu cette période trouble et la façon dont nous avons su réagir, avec une analyse a posteriori cela serait peut-être intéressant au moins psychologiquement.
— Mais c’est du passé, ce qui est important c’est l’avenir. Bon si tu es d’accord tu as carte blanche pour 5 minutes de topo. Ça marche ? Je peux compter sur ton intervention ?
Carte blanche, compter sur toi, avenir… tout cela fait un magistral TILT dans ma tête de bienheureux exilé lotois.
— OK Jean-Luc.
Réflexions sur l’avenir… ou le futur ?
Une fois la conversation terminée, je me suis penché sur mon sujet à traiter. J’ai cherché s’il y avait une différence entre avenir et futur.
L’Académie Française précise :
« L’avenir désigne une époque que connaîtront ceux qui vivent aujourd’hui, alors que le futur renvoie à un temps plus lointain, qui appartiendra aux générations qui nous suivront. »
Alors comment envisager l’avenir — ou le futur — d’une ONG qui, contre vents et marées, organise la réinsertion de jeunes filles survivant par le plus vieux métier du monde, dans des pays où les stabilités politique et économique ne sont qu’illusion ?
De Nostradamus à Marthe Richard, en passant par Sisyphe
Dans un passé lointain, Nostradamus envisageait le futur sous forme de poèmes prophétiques. Plus près de nous, Victor Hugo écrivait :
« L’avenir, fantôme aux mains vides, qui promet tout et qui n’a rien. »
Faut-il alors bannir l’idée même d’avenir ?
Comme diraient mes petites-filles devant un sujet scabreux : PLS !
Heureusement, Bergson nous rassure :
« L’idée de l’avenir est plus féconde que l’avenir lui-même. »
Et puis il y a l’exemple de Marthe Richard, aviatrice et réformatrice. Son idée de fermer les maisons closes fut radicale, mais ses conséquences, dramatiques : ces femmes se retrouvèrent à la rue.
L’absurde comme moteur d’action
Certains diront que lutter contre la prostitution de survie relève du mythe de Sisyphe. Et pourtant, Sisyphe, conscient de son sort, ne subit plus. Il agit, il résiste.
“Il n’y a pas d’efforts inutiles. Sisyphe se faisait des muscles.”
— Roger Caillois
Notre mission : devenir inutile
Notre ONG de taille humaine s’interroge : ces jeunes filles ont-elles eu le choix de ne pas se prostituer ? Non. C’est pourquoi ASI agit. Par l’alphabétisation, la scolarisation, la formation professionnelle, ASI leur permet de choisir leur vie, de se déterminer librement.
Et ça fonctionne.
Alors, faut-il changer une stratégie qui gagne ? Bien sûr que non.
Mais notre ambition va plus loin : devenir inutile.
Oui, notre objectif ultime est que notre action ne soit plus nécessaire. Paradoxal, mais profond.
Entre nihilisme et optimisme
Nietzsche parlait de nihilisme actif, qui déconstruit pour mieux reconstruire. Un acte de volonté, réservé aux esprits libres. À l’opposé, Spinoza nous propose un chemin vers le bonheur, par la connaissance de soi et la réflexion.
Innerarity, philosophe basque, parle de la récupération du futur dans une société complexe où ce qui est n’est pas toujours visible.
“La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer.”
— Peter Drucker
Pour un futur raisonnable et lucide
À condition d’une rénovation de nos cadres d’action, il est possible de bâtir un avenir raisonnablement optimiste. Il faudra, pour cela, se méfier des influences politiques ou administratives mal avisées.
Souvenons-nous de ce conseil kafkaïen de l’AFD : payer ses poulets au marché par carte bancaire avec facture certifiée… C’est dire si la vigilance est de mise.
“Il n’y a pas de gens inutiles, il n’y a que des gens toxiques.”
— Maxime Gorki
Le relais est assuré
Alors, l’avenir d’ASI ?
Il est là, dans cette salle. Il est là, parmi nos jeunes, nos nouvelles recrues au sein du CA. Ce sont eux qui vont reprendre le flambeau, enrichir nos programmes, porter nos valeurs.
À vous la suite.
Jean-Pascal